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7 décembre 2017 4 07 /12 /décembre /2017 17:26
Jean-Abraham Noverraz nous dit dans son journal…

Sainte-Hélène, mai 1821

Soleil et pluie alternent sur l’île. Je me suis rendu sur la tombe. Les branches de saules avaient l’air de se tordre sous le vent. Déjà, des légendes circulent : à Jamestown, les habitants disent qu’ils ont vu une nouvelle étoile au nord ! Des soldats anglais empêchent des curieux de s’approcher de Longwood : « Nous voulons le voir… Nous savons qu’on l’a embaumé… »

Certains affirment : « Le sarcophage est vide ».

Une sentinelle croit savoir que le corps de l’Empereur a été embarqué dans la nuit à bord d’un navire ; Hudson Lowe aurait eu ordre de rapporter le corps en Angleterre, le désire de Sa Majesté Georges IV étant de le faire inhumer à Westminster !

Je devais plus tard, à mon retour en Europe, entendre bien d’autres fadaises : certains croient que Napoléon repose dans un cercueil de cristal. (Je leur explique que, en effet, une ouverture dans le cercueil d’ébène permettrait de distinguer une figure de cire). On m’a demandé aussi si nous aurions pu avoir été trompés par un sosie… ! Des journalistes américains affirmèrent que le vrai Napoléon avait réussi à quitter l’île en février 1819 déjà, et ce n’est que son sosie que l’on aurait enterré. A tous j’ai rétorqué que ce n’était que des fables.

On m’a même affirmé que le vrai Napoléon avait été enterré près de la Nouvelle-Orléans et que son corps avait été emporté sur le navire « La Comète »… !

Pour nous qui avons fréquenté quotidiennement l’Empereur, qui avons partagé son exil, il était facile de répondre que, avant tout, Napoléon était mort d’ennui : nous avions partagé ses longues journées vides sur cet îlot, prisonnier de gardes et d’espions. Au début, il avait parcouru quelques routes en voiture, à cheval, il allait au pas. Lassé de reconnaître chaque arbre du plateau de Longwood, à feuilleter dix fois les mêmes rares livres, l’Empereur se remit à ses Mémoires : au comte Bertrand, il a dicté le récit de certaines batailles, à M. de Montholon, un commentaire sur la stratégie de Jules César et même, m’a-t-on dit, des notes sur le suicide. Sa mémoire était restée étonnante, mais une sorte de dégoût l’envahissait : combien de fois l’ai-je vu tambouriner aux fenêtres ou tenter de deviner dans les nuages des messages qu’il était seul à comprendre.

Il avait conquis et gouverné la moitié de l’Europe. Il avait, dans son empire géant, mené de pair la Justice et la Guerre, les Cultes et l’Instruction, les Finances et les Travaux publics… maintenant, il n’avait plus qu’à parcourir de long en large la maigre pelouse, à échanger les mêmes mots et les mêmes parties d’échecs avec les mêmes personnages. Pour moi, le plus fidèle de ses serviteurs, je repousse l’idée d’empoisonnement, je crois, bien sûr, à la maladie, mais surtout Napoléon s’est laissé mourir d’ennui.

FIN

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6 décembre 2017 3 06 /12 /décembre /2017 17:03

29 avril : l’abbé Viliani a confessé l’Empereur.

Après des mois, l’Empereur a enfin consenti à recevoir Mme Bertrand. Il lui demande d’amener sa fille Hortense. Marchand croit que, par moments, il délire lorsqu’il lègue à son fils son domaine d’Ajaccio qui est imaginaire ou bien il veut qu’on selle son cheval. Nous avons dressé deux lits dans la bibliothèque pour les deux médecins, mais il refuse toujours de prendre potion ou aliment. Les deux meilleurs médecins de l’île, Shortt et Mitchell sont arrivés, prévenus par des signaux optiques. Ils prescrivent une dose de calomel et une potion calmante.

(Commentaire des chimistes : le mélange dans l’estomac de calomel et d’amandes amères devient du cyanure de mercure, un poison très violent.)

Sainte-Hélène, 3, 4, 5 mai

Nous nous relayons jour et nuit. Les étouffements augmentent et la fièvre aussi. Son corps est secoué en permanence par le hoquet, et Arnott lui fait avaler une potion d’opium et d’éther. La pluie bat les vitres, et il a encore la force de dire : « Nous n’ouvrirons pas la fenêtre aujourd’hui ». Le vent alizé souffle violemment, la nuit est longue, nous sommeillons sur des fauteuils dans le salon ou la pièce d’à côté, le docteur, Marchand, Aly et moi, nous faisons couler, de temps en temps, une cuillère d’eau sucrée dans sa bouche.

Vers 5 heures, il vomit de nouveau, je l’ai vu élever ses mains tremblantes et les croiser, puis elles retombent sur le lit. Nous appelons le docteur Arnott et nous l’aidons à placer des sinapismes aux pieds et des vésicatoires aux jambes et au sternum. Le jour se levait quand le capitaine Crokatt a envoyé le signal pour annoncer à Sir Thomas Reade le chef d’Etat-major et à sir Lowe que « le général » était mourant. Dans la salle à manger, installé en chapelle, l’Abbé Viliani (encore une fois le nom est trituré, car il s’agit de : Abbé VIGNALI) priait. Le soleil se leva midi sur Sainte-Hélène.

Chandellier (Chandelier, dernier cuisinier de Napoléon.), Archambault, Aly, Coursot étaient en groupe avec ma femme et Mme Saint-Denis, de chaque côté de la cheminée. On entendait seulement le battement de la pendule en or, sur la table de nuit. J’ai gagné ma chambre pour avaler des médicaments, car je souffrais énormément d’une crise d’hépatite aiguë et, quand je suis redescendu, l’Empereur criait… « De l’air, par pitié, de l’air… qu’on me transporte au jardin. » Il délirait, il hélait Desaix et Masséna : « Chargez ! la Victoire est à nous… »

Au crépuscule, nous sursautâmes en entendant le coup de canon d’Alarm Signal. Tous, même ceux qui avaient souhaité le voir partir, pleurèrent, même le docteur Arnott. On envoya à Sir Lowe un dernier message : « Il vient d’expirer ».

Le Grand Maréchal s’est agenouillé pour baiser la main de l’Empereur, ensuite, nous fîmes tous de même. Le docteur Antommarchi lui avait fermé les yeux. J’ai arrêté la pendulette qui marquait 5 h 50. Marchand a tiré les rideaux et nous avons allumé les flambeaux… Je fis entrer le docteur Arnott et le capitaine Crokatt. (Crokat, William, capitaine au 20ème régiment, officier d’ordonnance à Longwood)

Ils s’inclinèrent devant le corps. Il vint encore les deux médecins en chef, Shortt et Mitchell, celui de l’escadre et celui de la garnison, en grand uniforme, et tous deux posèrent la main sur le corps de Napoléon.

Il y eut encore la visite du chef d’état-major, Sir Thomas Reade, du brigadier général Coffin, du commissaire Denzil Ibbetson ; du côté anglais, on se montra minutieux car le gouverneur interdit que quoi que ce soit, souvenirs, objets ou écrits quittât l’Ile.

Il refusa même de laisser le cœur de l’Empereur aux mains du docteur Antommarchi.

Ma femme m’a dit que M. de Montholon avait dissimulé des papiers dans la doublure de cuir d’une valise.

Je ne sais pas ce que je dois faire de mon cahier.

Dans le cercle blanc, Noverraz, l’ours d’Helvétie à genoux.

Dans le cercle blanc, Noverraz, l’ours d’Helvétie à genoux.

Ce tableau peut être vu au Musée Napoléon à Arenenberg, canton de Thurgovie.

 

le site du Musée c’est ici.

5 mai

Maintenant, tout est fini. Le comte Bertrand nous a demandé, à Cipriani et à moi, d’habiller le corps de l’Empereur. Il désirait être revêtu de l’uniforme de colonel des Chasseurs de la Garde, veste et culotte de casimir blanc et l’habit vert à parements rouges. Nous avons enfilé ses bottes. Le comte Bertrand a agrafé le grand cordon de la Légion d’Honneur et la décoration de la Couronne de Fer. M. de Montholon a posé le légendaire petit chapeau sur les genoux, et puis, sur le capitonnage de satin blanc, nous avons disposé des monnaies à son effigie et quelques objets familiers.

Nous avions tous formé le vœu que le cœur de l’Empereur soit ramené en France, mais Hudson Lowe refusa. Le docteur Antommarchi voulait conserver l’estomac, mais Lowe s’y opposa aussi. Le docteur insista : l’estomac de l’Empereur pouvait être analysé et prouver la mort par un cancer du pylore. Hudson Lowe persista dans son refus, alors le docteur nous demanda de lui apporter le nécessaire de toilette de l’Empereur. Il choisit une boîte à éponges en vermeil et y enferma l’estomac à côté du cœur. Je crois que c’est le comte Bertrand qui murmura : « Même mort, il sera encore prisonnier ». Nous avons mis la boîte dans une urne d’argent, au pied du corps.

Le docteur Antommarchi aurait voulu embaumer le corps, mais on lui répondit que les produits utiles ne se trouvaient pas sur l’île et qu’il aurait fallu les réclamer et attendre l’arrivée d’un navire, alors le docteur demanda de la créosote (Créosote est le nom donné à plusieurs sortes d'huiles extraites de goudrons de bois ou de charbon ou d'une plante.) et il aspergea longuement le corps et le capitonnage de satin blanc du premier cercueil. Celui-ci était en zinc, nous le déposâmes dans le second d’acajou, puis dans le plomb et enfin dans un deuxième d’acajou. Le caveau fut formé de moellons scellés avec du ciment romain et réunis par des crampons de fer. Au-dessus de la dalle, on entassa cailloux et ciment, puis, au ras du sol, deux grandes dalles sans inscription.

A suivre

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5 décembre 2017 2 05 /12 /décembre /2017 16:52

La fin arrive.

Sainte-Hélène, février 1821

L’état de Napoléon a empiré. Il ne quitte plus son lit. Son teint est jaunâtre. Il croit que les Anglais ne toléreront pas que son corps soit inhumé en France, aussi m’a-t-il envoyé dans la Vallée de Slane, et j’ai les larmes aux yeux en marchant sous les saules, pour chercher, selon son vœu, l’endroit où il reposera près de la petite source.

Sainte-Hélène, mars 1821

M. de Montholon secouait la tête vers Marchand et moi en sortant de la chambre de l’Empereur. Le Grand Homme n’est plus qu’un pauvre malade qui vomit et ne veut plus quitter son lit. A moi, il a dit : ouvre la fenêtre, que je respire l’air que Dieu a fait. Il a même demandé au grand maréchal de lui apporter une fleur du jardin. A Marchand, il a dit qu’on ne connaîtra sa maladie que lorsqu’on l’aura ouvert et que, comme son père Charles, il mourait d’un squire au pylore ! Il refuse les drogues du docteur Antommarchi ; le docteur Arnott, le docteur anglais, croit encore qu’il souffre surtout de manque d’exercice et de distractions. Il m’a demandé de lui apporter des livres sur les campagnes d’Annibal, et Aly lui a aussi apporté l’Iliade. C’est surtout l’abbé Viliani qu’il veut voir. Il lui parle en dialecte. Je crois qu’il voudrait être inhumé dans les environs de Lyon au confluent du Rhône et de la Saône, mais l’abbé pense à la cathédrale d’Ajaccio. L’Empereur lui a demandé de dire tous les jours la messe dans la pièce voisine transformée en chapelle.

L’abbé nous a dit qu’il voulait mourir chrétiennement. Il répète qu’il a lavé la Révolution de ses crimes. Il croit que les Bourbons ne sauront pas garder le trône, mais peut-être les Orléans. Il m’a fait cadeau d’une médaille.

Nous l’avons entendu parler à plusieurs reprises, avec le Grand Maréchal, d’Alexandre Walewski et de Léon, ses deux fils naturels. Vers le 23 ou le 24, les vomissements redoublèrent, et il parlait à voix si basse qu’on ne comprenait plus ce qu’il disait. Le docteur Arnott est très inquiet. Il dit que l’Empereur a rendu quelque chose de pareil à du marc de café et il court avertir Sir Lowe. Il voudrait que d’autres médecins anglais viennent en consultation au chevet de l’Empereur.

Le gouverneur a proposé d’envoyer un navire au Cap pour ramener un médecin illustre, mais l’Empereur a dit à Antommarchi : « J’exige la promesse qu’aucun médecin anglais ne portera la main sur moi ». Au matin, nous avons installé un lit de campagne au salon où on pourra plus facilement le soigner.

Je l’ai entendu dire au docteur de mettre son cœur dans l’esprit de vin et de le porter à Marie-Louise en disant qu’il l’a tendrement aimée. Il m’a encore dit :

« Noverraz, pourquoi les boulets m’ont-ils épargné ? » Il a accepté une gorgée de limonade de citrons et d’oranges aigres de l’île, mais a refusé la gelée de viande que je lui proposais. Le gouverneur a fait porter une caisse d’amandes amères destinées à la boisson d’orgeat que l’Empereur boit depuis quelques jours.

Médecin Archibald Arnott

Médecin Archibald Arnott

18 avril

Il a vomi toute la nuit. Le matin, il a pris un peu de potage aux patates que son estomac a rejeté. Il a refusé un médicament du Dr Antommarchi en disant qu’il ne voulait pas faire attendre l’Angleterre et qu’il mourrait bien sans drogue ! L’après-midi, il m’a demandé de lui apporter les livres d’Homère.

23 avril

Il nous semble qu’il va un peu mieux. Il a mangé en compagnie des Montholon du hachis de faisan.

A suivre

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4 décembre 2017 1 04 /12 /décembre /2017 16:46

Sainte-Hélène, mai 1820

L’Empereur a dit devant moi au Grand Maréchal qu’il devrait être flatté par la mobilisation des forces de terre et de mer à Sainte-Hélène : c’est insensé ! C’est démesuré ! Il y a pour me maintenir prisonnier, un bataillon d’infanterie et de l’artillerie de la Compagnie des Indes, plus deux régiments de l’infanterie royale anglaise, plus un détachement de mineurs-sapeurs, plus un escadron de dragons, plus une compagnie d’artillerie royale. Nous ne pouvons faire un pas sans voir un uniforme rouge, et autour de l’île, je sais que rôdent onze navires de guerre pourvus de leurs effectifs complets. Combien de temps le Trésor anglais pourra-t-il entretenir ces folles dépenses ? C’est ce qui m’inquiète, Bertrand, quelle économie et quel débarras pour la Grande-Bretagne de trouver un moyen discret de se débarrasser de moi. Mon Ami, ils tentent de me laisser mourir d’ennui, mais peut-être ce moyen n’est-il pas assez rapide…

Octobre 1820

Nous avons trouvé l’Empereur évanoui dans son bain. J’ai aidé Marchand à le transporter sur son lit et nous avons appelé le Docteur O’Meara. Le capitaine Luytens a fait parvenir un rapport au gouverneur.

Sainte-Hélène, juin 1820

« Connais-tu, Noverraz, le nom de mon fils aîné ?

  • Le Roi de Rome, Sire ?
  • Tu n’y es pas…
  • L’Aiglon ?
  • Tu ne peux pas deviner, mon fils aîné s’appelle Léon. Il est né en 1806, et pour moi, cela a été une merveilleuse surprise, parce que ce bon Corvisart, mon médecin, m’avait assuré que je ne serais jamais père.
  • Tu veux savoir qui était l’élue ?
  • Sans doute ne suis-je pas digne de cette confidence…
  • Tu l’es ! Tu me sers sur cet îlot, tu me tiens compagnie et j’ai plus confiance en toi qu’en la plupart des autres…
  • Elle s’appelait Eléonore, un joli nom, Eléonore Denuelle de la Plagne, assez tristement mariée avec un coquin du nom de Revel. Je l’ai connue chez ma sœur Caroline, avec qui elle avait été élevée au pensionnat de Mme Campan.
  • Pourquoi ne me demandes-tu pas comment elle était ?
  • J’ai confiance en votre goût, Sire.
  • Une belle plante, des seins magnifiques, une petite bouche et des grands yeux noirs ; dix-neuf ans ! Elle venait me voir discrètement aux Tuileries. Je l’ai installée dans son hôtel particulier, rue de la Victoire, et le 13 décembre, elle a accouché d’un garçon. J’ai appris cette naissance pendant la campagne de Russie. A l’époque, pourtant, j’aimais encore Joséphine, mais il me fallait à tout prix un héritier. C’est probablement à ce moment-là que j’ai commencé à penser au divorce. A Eléonore, j’ai fait une rente de 14'000 francs, puis 300'000 pour acheter une terre et un château, ce qui lui permit d’épouser le comte de Luxburg… Quant à mon fils, je lui ai donné un tuteur, le baron de Mauvière. Tout le monde me dit qu’il me ressemble beaucoup, et dans mon testament, je recommande mon fils à Madame Mère, souhaitant que le petit Léon entrât dans la magistrature et je lui lègue 300'000 francs. »
Comte Charles Léon Denuelle, fils de Napoléon.

Comte Charles Léon Denuelle, fils de Napoléon.

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3 décembre 2017 7 03 /12 /décembre /2017 18:19

Pour une fois, Noverraz nous parle un peu de lui… surtout de sa première femme !

Sainte-Hélène, avril 1820

Ma femme voudrait quitter Longwood, qu’on s’installe dans la maison neuve que le gouverneur a fait bâtir, mais c’est impossible. Elle me dit qu’on pourrait s’installer à Jamestown qui n’est qu’à un peu plus d’une heure à cheval. Elle croit que M. de Montholon qui est chargé par les Alliés de la surveillance de l’Empereur avec MM Stiermer et Balmaine, les commissaires d’Autriche et de Russie, serait heureux de nous prendre à son service. Elle sait que ces gentilshommes se plaignent ouvertement du travail des esclaves.

Elle dit que nous pourrions trouver un logement de deux pièces pour deux mille francs l’an, elle me démontre que nous pourrions vivre heureux et plus libres avec la vue sur l’océan ; que l’on trouve des maquereaux pour quelques sous au retour des pêcheurs, mais je sais, moi, ce que coûte la vie à Jamestown : quand j’ai été faire le marché, j’ai payé une oie, 18 francs, un poulet, 10 francs. Même les carottes et les choux coûtaient 40 sous, mais Joséphine insiste… elle sait que le valet de chambre de M. de Montchenu l’ayant quitté, il serait sûrement prêt à payer trois, quatre ou peut-être 5'000 francs pour un couple.

Elle dit qu’elle en a assez de s’occuper du linge et des draps qui révèlent trop de choses… ! qu’elle n’en peut plus des éternelles disputes qui éclatent presque chaque jour, qu’elle voudrait échapper au service des Montholon qui eux-mêmes servent l’Empereur et qu’on ne pourra pas vivre comme cela dans la maison d’un grand malade toujours hautain ou en colère. Je lui demande d’avoir patience et je lui dis que je resterai tant que l’Empereur aura besoin de moi. Plusieurs fois, j’ai dû le protéger des intrus.

Je ne l’ai quitté ni à Elbe, ni dans les campagnes militaires et ce n’est pas à Sainte-Hélène que je lui ferai défaut, surtout maintenant qu’il a une telle confiance en moi, « son bon ours d’Helvétie ! » et qu’il me fait partager ses confidences. A ma femme je n’ai pas dit que, plus tard, j’envisageais de rentrer dans ma terre natale, parce qu’elle ne songe qu’à Paris et elle tient la Suisse pour un pays de montagnes peuplé de gens qui, à côté des Parisiens, sont en quelque sorte, des sauvages.

Au service de la comtesse, Joséphine a pris des goûts de luxe ; elle rêve d’avoir plus tard une boutique de Frivolités. Sa maîtresse lui a raconté comment, en exil, la Duchesse de Guiche était infirmière, Madame de Lamartinière, ravaudeuse, et la Marquise de Vuillaume tenait un café ; quant à la Marquise de Jumilhac, elle faisait à Londres exactement la même chose que ce qu’elle faisait à Sainte-Hélène : elle était lingère ! Elle voudrait porter des indiennes de Jouy et se vêtir en Merveilleuse. Elle m’a même laissé entendre que les toilettes de sa maîtresse étaient davantage destinées aux yeux de l’Empereur qu’à ceux de son mari, et mon maître, assure-t-elle, n’y était pas insensible !

Je l’ai fait taire, parce qu’il y a ici bien assez de motifs de discorde sans y ajouter la jalousie et ce qu’elle peut provoquer ! Joséphine a appris que l’Empereur a promis deux millions à M. de M. et qu’à Bertrand, il lui a donné un collier de diamants en lui disant de le cacher sur lui. Elle me presse pour savoir ce que l’Empereur va me donner à moi, et comment nous allions utiliser cet héritage !

Pour une fois que Noverraz nous parle de sa femme, il n’a pas le trait léger, il l’a décrit un peu comme une femme intéressée. Lui, toujours fidèle à l’Empereur.

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2 décembre 2017 6 02 /12 /décembre /2017 16:43

Sainte-Hélène, février 1820

L’île n’a pas beaucoup de ressources, nous dépendons des navires pour le ravitaillement. Le continent est loin, et beaucoup d’aliments arrivent avariés ; cependant, à la cuisine, on fait des prouesses pour présenter des menus dignes de l’Empereur. Les mets sont toujours présentés sur des plats d’or ou d’argent et baptisés de noms flatteurs qui souvent recouvrent des mets médiocres. Voici la liste des menus de la semaine :

Lundi                                 Vol-au-vent de laitance de cabillaud au vin blanc

Mardi                                Potage au lait d’amandes du Cap et volaille à la Toulonnaise

Mercredi                         Olives farcies de Calvi

                                            Canapés de caviar d’aubergine

                                            Caisse d’œufs gratinés aux champignons de l’île avec coulis de tomates

Jeudi                                 Salade d’émincé de poireaux crus à la niçoise et maquereaux grillés

Vendredi                         Véritables cannellonis farcis d’anchois et de jaunes d’œufs réduits en pâte

Samedi                             Les grives du Cardinal

Dimanche                        Le lapin à la Borghèse

L’Empereur a repris deux fois des grives en rappelant que Lucius Apicius et les plus grands gourmands de Rome en faisaient grands cas. On les engraissait dans d’immenses volières en compagnie des merles.

En France, dit l’Empereur, il y a un proverbe : « Quand il n’y a pas de grives, on mange des merles » ; mais chez nous en Corse, le proverbe dit : « Quand il n’y a pas de merles, on mange des grives », parce que les merles de Corse se nourrissent de graines de myrtes et de genièvre et n’ont pas leur pareil ! Mon oncle, le cardinal Faesch, en fait venir tout l’hiver de l’île, et on m’a assuré qu’on allait dîner chez l’archevêque de Lyon un peu pour ses nobles manières et beaucoup pour ses merles.

Quant au lapin à la Borghèse, c’est une recette princière : on sert le rôti à la broche avec une sauce faite de cannelle et d’oignons piqués de clous de girofle.

Malgré tous les efforts et l’imagination des cuisiniers, l’Empereur mange de moins en moins. Il a le teint jauni et prend de l’embonpoint.

Sans manger, l’Empereur grossi, ceci n’est pas le signe du cancer.

Sainte-Hélène. Mars 1820

Mon bon ours d’Helvétie, tu as partagé avec moi mes meilleures années, 1810, 1811 ! Les gazettes étrangères se moquaient : « L’Empereur est tombé amoureux de sa pantoufle ! » J’avais partout des amis : Roumantsiov et Speranski à Saint-Pétersbourg, Bucholtz et le Prince de Bülow à Berlin… Goethe, Jean de Müller, Hegel, Beethoven.

En Autriche, j’ai longtemps cru pouvoir compter sur l’Archiduc Charles… en Suisse, tu les connais, Noverraz… !

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1 décembre 2017 5 01 /12 /décembre /2017 17:01

Novembre 1819

L’Empereur est très agité. Ces jours derniers, il m’a chargé de prendre discrètement des nouvelles de Mlle Olympia, la jolie infirmière qui est en train d’accoucher à Jamestown. Tout s’est bien passé. Il m’a dit : « Noverraz, c’est un beau garçon, et je te donnerai des instructions au sujet du petit Gordon Bonaparte ».

Sainte-Hélène, mai 1820

J’ai dit à Archambault que ce qu’il faisait était dégoûtant parce qu’il crache tout le temps et il m’a avoué que c’était à cause d’Aly qui était souvent près de l’Empereur et qu’il savait que ceux qui visitent les malades ne doivent jamais avaler leur salive. En la crachant pendant tout le temps qu’ils restent dans la maison où on respire les exhalaisons de la sueur et de l’haleine des malades, on chasse la contagion. Il m’a dit que, moi aussi, je devrais cracher parce que la salive s’imbibe des infections qu’elle conduit à l’estomac, les exhalaisons des malades sont attirées dans la bouche par l’haleine et elles infectent la salive, c’est pour ça qu’il faut cracher tout le temps pour se garantir de la contagion.

Sainte-Hélène, janvier 1820

« Après ma mort, certains parleront de mon « génie », mais d’autres ne parleront que de mes erreurs : J’ai inventé les « Aigles », mais je me suis contenté des canons étudiés pour Louis XVI.

Les charges de Ney à la tête de ses cavaliers demeureront des morceaux de bravoure, mais que deviendront les chevaux sur les champs de bataille de demain ?

Sais-tu, Noverraz, que je me suis moqué du char mécanique « La Napoléone » proposé par ton compatriote, M. de Rivaz… » (J’en déjà parlé ici, de Monsieur Isaac de Rivaz.)

« Sais-tu que j’ai dédaigné le bateau à vapeur dont on m’avait fait démonstration et qui aurait pu mettre l’Angleterre à genoux. J’ai ignoré le machinisme naissant. J’ai bradé la Louisiane, porte du Mississipi et clé du Nouveau Monde.

Lorsque j’ai pris le pouvoir, la France comptait trois fois plus d’habitants que n’importe quelle nation européenne et la vague montante de cette immense jeunesse a peut-être été la cause de la Révolution. Les démographes pourront dire que mes guerres auront brisé ce rythme ; d’ici cent ans, la France serait devenue une puissance de cent millions d’hommes, ce qui peut être aurait empêché les futures guerres ? J’ai dit un jour à Metternich, et je m’en repens : « Et que me fiche à moi, la mort d’un million d’hommes ! » L’Allemagne, après moi, deviendra notre principale ennemie. Qu’adviendra-t-il de toutes ces petites principautés ? Le danger est que la Prusse les cimente et que se reforme ainsi l’empire que les rois de France s’étaient toujours efforcés d’émietter. »

Napoléon admet quelques erreurs. Il devait, pour certaines, les regretter fortement.

Metternich

Metternich

A suivre

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30 novembre 2017 4 30 /11 /novembre /2017 17:15

Sainte-Hélène, août 1819

Je me suis rendu ce matin à Jamestown pour faire le marché et j’ai assisté au débarquement de marchandises apportées par un gros navire qui ne peut pas s’approcher à cause des vagues et du vent. Ce sont de petites barques qui font la navette et on utilise des sortes de palans. Chaque marin est contrôlé, chaque passager, longuement interrogé. La hantise du gouverneur, c’est l’évasion de l’Empereur ! A Longwood, on en parle à mots couverts. Aly et Marchand croient que des bonapartistes ont réussi à s’infiltrer ici.

Qui sont-ils ? Peut-être déguisés en valets, en jardiniers ou en cuisiniers ? Que préparent-ils ? Comment imaginer une évasion ?

Déjà, en 1815, le capitaine d’un vaisseau venant des Indes, a proposé au Grand Maréchal de conduire l’Empereur en Amérique, moyennant un million payable après la réussite. Le projet le plus insistant fait état d’un flibustier du nom de Laffitte qui règne sur une île et une véritable flotte, quelque part dans le Sud de l’Amérique.

Je sais par M. de Montholon qu’en 1817, un navire venu du Cap a croisé au large et qu’une embarcation a attendu sur une petite grève du côté opposé à Jamestown.

Le bruit a couru aussi qu’un ami du docteur O’Meara a dépensé une fortune pour construire une sorte de bateau sous-marin.

Le flibustier Laffitte.

Portrait anonyme du début du XIXe siècle traditionnellement considéré comme représentant Jean Lafitte ; Rosenberg Library, Galveston

Portrait anonyme du début du XIXe siècle traditionnellement considéré comme représentant Jean Lafitte ; Rosenberg Library, Galveston

Sainte-Hélène, septembre 1819

Ici, tout devient événement. La chose la plus importante, c’est l’arrivée d’un navire avec des livres et surtout des nouvelles du monde, mais c’est trop rare. Nous avons offert un prix au Chinois qui tue le plus gros rat. L’Empereur ne joue plus guère aux échecs et au piquet, du reste, il est furieux quand il perd. Hier, le docteur O’Meara nous a tous intéressés en nous racontant qu’on avait ramené un noyé à la vie, c’était un matelot d’un vaisseau anglais tombé par hasard dans l’eau au large de Jamestown, et il était bien resté sous l’eau une bonne demi-heure. On l’avait repêché, déshabillé et frotté avec du sel, surtout à la poitrine et autour des tempes, et, au bout de quelque temps, le noyé a donné signe de vie, et quatre heures après, il était en état de marcher.

Le docteur Antomarchi (François Antommarchi) a proposé de faire la même expérience sur des chiens ou des chats, mais l’Empereur s’y est opposé. Le docteur O’Meara a entendu parler d’autres moyens : il faut verser dans la bouche d’un noyé, une décoction de poivre dans du vinaigre et lui souffler du tabac dans le nez avec un chalumeau, ou encore souffler dans les intestins la fumée de tabac d’une pipe, si on ne dispose pas d’un soufflet et qu’il faut faire vite, la pipe cassée peut servir de tuyau. Il a dit aussi qu’un chirurgien peut tenter une saignée à la jugulaire et éventuellement ouvrir la trachée artère.

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29 novembre 2017 3 29 /11 /novembre /2017 16:24

Sainte-Hélène, mai 1819

Ce jour-là, il pleuvait sur l’île, et les arbres pliaient sous ce vent perpétuel. J’avais allumé un feu de bois, l’Empereur, dans son fauteuil, rêvassait :

« Peut-être Marie Walewska est-elle la seule femme qui m’a vraiment aimé… Quelle admirable fidélité m’a-t-elle toujours témoignée !... On m’a cédé par intérêt, par curiosité, par vanité, par calcul, parfois même par contrainte, mais laquelle de ces femmes m’a-t-elle appartenu complètement ? L’Impératrice m’a trahi avec Neipperg, quant à Joséphine… »

L’Empereur eut un geste de la main qui avait l’air de signifier « avec n’importe qui. »

« Et pourtant, l’ai-je aimée, ma vicomtesse ! Elle était séduction, langueur, elle avait des yeux caressants, des cils qui palpitaient et le timbre de sa voix était si harmonieux que mon cœur se serrait en l’entendant. Sais-tu que Mme de Beauharnais tenait salon ; Ségur, Caulaincourt, Montesquiou lui faisaient la cour. Sais-tu comment je l’ai connue ? »

Sainte-Hélène, été 1819

L’Empereur rentrait de promenade d’assez belle humeur.

Il est fier d’avoir vu ses fleurs pousser, des fleurs qu’il a plantées lui-même après avoir pioché, biné, ratissé et arrosé sur le conseil de son docteur et sous l’œil étonné des jardiniers chinois.

Il portait un chapeau à large bords qu’il m’a confié en rentrant, et il m’a dit : As-tu remarqué la forme des nuages ? On dirait des ballons ! Cela m’a rappelé « la Caroline » de Mme Blanchard que j’avais chargée d’aller porter au monde la nouvelle de la naissance du Roi de Rome, mais son ballon « Caroline » n’avait pas dépassé Lagny en Seine-et-Marne, et c’est un peu pour ça que j’ai refusé d’écouter les rapports et les projets des savants qui me proposaient des aéroplanes, des volateurs et des ornithoptères. J’ai eu sur mon bureau je ne sais combien de dossiers, des espions m’avaient rapporté d’Angleterre l’étude d’un certain Cayley, le dessin d’un aéroplane.

Décontracté, en tenue de jardinier, au chapeau à large bord.

Décontracté, en tenue de jardinier, au chapeau à large bord.

Beaumarchais proposait un « aérambule » pour diriger les ballons. Il y eut bien d’autres inventeurs : Cagnard de la Tour, Dubochet et un horloger suisse ou autrichien, Jacob Degen, qui tenta de voler au-dessus du jardin de Tivoli, mais j’avais d’autres soucis et j’ai écarté tous ces projets. Le général Resnier, de l’armée des Pyrénées Orientales, avait étudié un plan d’invasion de l’Angleterre par des hommes-oiseaux munis de deux ailes en toile forte avec une armature de fer, mais il est lui-même tombé dans la Charente. Quant aux ballons, ils dépendaient des vents : des soldats d’invasion, partis de Bretagne ou de Normandie, auraient pu se retrouver en Vendée ou dans les Flandres. Le jour viendra-t-il où un moteur sera capable de lutter contre les vents… j’en doute… avec ces alizés, jamais un ballon ne pourra atterrir à Sainte-Hélène… J’ai ignoré le machinisme !...

Sir Hudson Lowe est enchanté de voir l’Empereur s’adonner au jardinage. Il en a fait part à Lord Balthurst (Henry Bathurst), à Londres, qui a fait répondre qu’on allait envoyer au « général » n’importe quelle fleur ou plante imaginable, d’Angleterre ou du Cap.

Le gouverneur est bien moins content d’apprendre que l’Empereur a encore tiré des coups de pistolets sur un cochon qui traversait son jardin. Le cochon est à ajouter au tableau de chasse impérial : plusieurs poulets et deux chèvres.

Le cuisinier a préparé le cochon avec une sauce de venaison. L’Empereur s’est régalé.

A suivre

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28 novembre 2017 2 28 /11 /novembre /2017 17:34

Sainte-Hélène, mars 1819

L’Ile n’est plus qu’une prison que chacun voudrait fuir : les uns parlent d’ennuis de santé, d’autres invoquent des soucis de famille, l’éducation des enfants, le Grand Maréchal Bertrand répète qu’il a besoin des eaux de Vichy. Le comte de Las Cases refuse de revenir à Longwood. L’Empereur se fâche et tempête. Il crie qu’il sait bien que chacun pense à son testament, puis, il paraît se calmer un peu et il ajoute : « Ceux qui veulent rentrer à Paris pourraient bien s’adresser à Joseph Fouché qui est bien plus riche que moi. »

Prison de Sainte-Hélène

Prison de Sainte-Hélène

Ainsi parlait l’Empereur, j’apprenais des choses qui s’étaient passées avant mon arrivée à Paris. Les disputes de Longwood se calmaient momentanément, mais je savais bien que c’était provisoire : l’air de Longwood devenait chaque jour plus lourd et plus irrespirable, même Mme Bertrand, presque toujours souffrante, fait tout pour que ses quatre enfants échappent à ce purgatoire. Puis, l’Empereur, épuisé par ces disputes, se replongeait dans ses livres et dans ses souvenirs.

Sainte-Hélène, avril 1819

La géographie de ton pays, Noverraz, m’a toujours fasciné ; vous êtes à la fois la forteresse et le carrefour de l’Europe dont l’unique porte Sud s’appelait le Mont Joux, les « Alpes Pennines » des Anciens, et, pour moi, le Grand-Saint-Bernard. Votre Mont Joux a vu passer les armées celtes, Octodurus est entré dans l’Histoire en l’an 57 avant Jésus Christ quand Jules César fit passer les Verargues Imperator y vainquit les Salaces et édifia la statue de Jupiter. Dans « De Bello Gallico », Jules César au livre III, cite la bataille d’Octodure où Servius Galba et sa XIIe légion défient les Véragres.

Maximilien Hercule, l’Empereur, franchit le Mont Jovis en 258, et c’est peut-être à lui que l’on doit le martyre de Saint-Maurice et de ses héroïques légionnaires… Je ne me lasserai jamais de relire les livres d’Histoire !

Sais-tu, Noverraz, que Charlemagne, autour de l’an 800, franchit à son tour le col, fit des dons magnifiques à Saint-Maurice d’Agaunes, longea le lac par Vevey et Lausanne et regagna sa capitale en passant par le Jura. Pour me couronner à Paris, le pape d’aujourd’hui a choisi le passage du Mont Joux pour se rendre à Rome où en 881, S.S. Jean VIII le couronna Empereur d’Occident. Oui, Noverraz, je connaissais ce col bien avant de penser à le franchir. Je l’ai dit au Chanoine Mürith qui m’accompagnait.

Sais-tu, Noverraz, que dans les écoles, à Valence et plus tard à Brienne, on se moquait de mon accent ?... Sais-tu comment on m’appelait dans les camps ? « Napoglioné paille au nez ! », alors, tu comprends que, plus tard, dans mes habits impériaux, c’est une tempête d’orgueil qui m’ait porté vers le pape.

C’est alors que je me suis retourné et que j’ai dit : « Joseph, si notre père nous voyait ! »

Tu sais, ma sympathie allait surtout à Lucien et à Jérôme, Joseph n’était qu’un ingrat : il n’était rien en 1796. Deux ans plus tard, je le fais ambassadeur ; en 1803, à Amiens, il dispose du sort de l’Europe ; je le fais prince en 1804 et roi en 1806. Et ton compatriote, Noverraz, mon oncle Faesch, il est fait cardinal.

Les frères et soeurs de Bonaparte

Les frères et soeurs de Bonaparte

A propos d’école, il y avait un certain Louis-Edmond de Philippeaux qui avait souvent de meilleures notes que moi et qui ne ratait jamais une occasion de se moquer ou de m’être désagréable, et bien, ce Philippeaux, j’allais le retrouver quinze ans plus tard à Saint-Jean-D’acre où il était conseiller de Farhi, le Premier Ministre, avec l’Anglais Sidney Smith, ce fameux Smith que, en 1798, il avait fait évader du Temple.

Il revient aux siens, à Caroline, à Joseph, à Jérôme… « Ne crois-tu pas, mon bon Noverraz, qu’ils devraient se rendre en Suisse ? Ils pourraient s’installer à Berne, à Fribourg, à Zurich, je suis sûr qu’ils seraient bien accueillis avec leurs millions… Je verrais bien Joseph en landammann !  Les Bonaparte doivent s’allier avec de grandes familles… les Colonna, les Orsini, les Watteville en Suisse… ! »

(Déjà la promesse d’une sécurité absolue pour les millions dans le paradis fiscal suisse !)

A suivre

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